Décembre 1982.
Mon TOUT premier Noël seul, loin de ma famille.
À peine débarqué en France, mon pays d’origines que je ne connaissais que très peu et de réputation, fraîchement engagé dans la Marine Nationale Française, la Royale, on m’avait affecté à Rochefort sur Mer, en Charente Maritime.
Arrivé à Québec à l’âge de deux ans, ce Noël 1982 est mon tout premier souvenir d’un Noël pas blanc, d'un Noël sans neige.
Un Noël dénué de bien plus encore.
Le réchauffement de la planète et les changements climatiques font bonne presse depuis quelques années, mais je peux vous dire qu’en 1982, Dame Nature était déjà bien échaudée car je me souviens avoir participé à des manœuvres appelées Plan OR-SEC (Organisation Sécurité) où on déploie toutes les forces disponibles pour venir en aide aux sinistrés de rivières belligérantes et autres cours d’eau menaçants.
Je m’étais fait des potes dans la Compagnie Républicaine de Sécurité (les CRS), chez les pompiers, la police et bon nombre aussi dans d’autres corps militaires.
Cette année là, c’était les deux départements de la Charente. Une bonne partie de la côte Atlantique était sous le joug des eaux en colère.
Saintes, Niort, Rochefort, jusqu’à Angoulême…
On m’avait affecté à Saintes, la ville la plus touchée.
Et nous étions logés de fortune sur une base de l’Armée de l’air.
Le 23 décembre, après déjà quelques jours de travail sur les lieux, à bâtir des trottoirs sur pilotis, à renforcer quelques structures, le commandant des forces d’intervention (un officier supérieur de la Marine) nous avait promis que nous serions relevés la journée même et qu’on nous donnerait la fête de Noël pour rentrer chez nous. On avait fait du bon boulot.
J’étais content pour mes potes. De toute façon, moi, je n’avais aucun autre endroit où aller…
Cette journée là, on nous avait confié une énorme chaloupe à un nouveau pote (Patrick) et à moi. Notre tâche allait consister à transporter les sinistrés avec leurs biens, leurs animaux, ce qu’ils allaient vouloir sauver. Afin de faire moins de voyages, d’aller plus vite, de parer à l’urgence, j’ai décidé de laisser ma place au sec et de tirer l’embarcation en marchant dans l’eau. Patrick m’a aussitôt suivi. Nous avions de l’eau parfois jusqu’aux épaules tandis que nous avancions de peine et de misère.
Par moments, nous perdions pieds et devions carrément nager.
Les eaux étaient montées de plus de six mètres cette année-là.
Après coup, on a même parlé de crue du siècle.
Nous étions tous deux commandant (lui) et second (moi). On s’amusait, on plaisantait, on faisait tout pour dérider ces pauvres gens qui venaient de tout perdre, pour certains. Et puis, après tout, c’était Noël pour eux aussi. Autant faire contre mauvaise fortune bon cœur. Patrick était de l’aéronautique navale. Un cran plus gradé que moi, un soupçon plus âgé.
Mais beaucoup plus drôle. Un duo. Jerry Lewis et Dean Martin. Laurel et Hardy. Abbott et Costello.
On chantait, on rigolait, on faisait rire et sourire. On faisait les pitres.
Une vieille dame qui refusait de quitter son logis (elle habitait au quatrième et l’eau s’était arrêtée au milieu du premier) nous a signalé sa présence et on lui avait promis de passer la voir plus tard.
Notre quartier général, c’était un carrefour où la rue grimpait après un pont et où le Fleuve avait été heureusement stoppé par l’escarpement. Là, tout le monde était parqué. Ils y avaient installé un bivouac improvisé. On y trouvait des camions, des ambulances, des moteurs hors-bord que nous ne pouvions utiliser à cause des vagues, des remous et des obstacles sous-marins, des autocars pour le transport des sinistrés, et des dizaines de badauds, certains curieux, d’autres admiratifs, tous reconnaissants.
Il y avait toujours quelqu’un pour nous agripper et glisser dans nos manteaux des cartouches de cigarette, des sandwiches, de la charcuterie, des casse-croûte, des jus, de l’alcool…
Et on replongeait pour chercher d’autres sinistrés, d’autres gens…
Mon pote commandant ne se mettait même plus en colère quand je refusais de monter dans la barque au lieu de patauger en la tirant.
J’étais trempé et il faisait moins froid dans la flotte que sur elle.
De toute façon, on devait être relevés avant la tombée de la nuit… et peut-être même renvoyés chez nous... qu’ils avaient promis...
Il en a été tout autrement…
Après la tombée de la nuit, à l’orée du 24 décembre, mon pote et moi tirions notre barque, tous les deux dans l’eau, en se disant partis pour une sacré promenade quand un Second Maître, équipé de deux rameurs, est venu nous prévenir qu’il n’y aurait aucune relève avant peut-être le lendemain midi et qu’il fallait assurer une permanence, histoire de parer aux éventuelles urgences et prévenir les pillages.
- Lâchez pas les gars ! a-t-il envoyé comme dans un film états-uniens.
Patrick et moi avons recommencé à chanter, mais des chansons de garde, des chansons grivoises cette fois-ci.
Autant en rire.
Aussitôt, il s’est rappelé la vieille dame de plus tôt.
Celle qui nous avait fait signe de monter la voir.
Notre chaloupe était vide.
Comme une pause.
On était trempés.
Littéralement jusqu’aux os.
Et il se faisait tard.
Elle discutait avec sa voisine d’en face, elle aussi résignée à tenir un siège comme pour combattre l’affront.
Elles ont entendu arriver nos refrains cochons. La Dame riait, penchée à sa fenêtre, comme si elle y avait passé des années. Comme si elle s’apprêtait à y passer l’éternité. En nous faisant d’autres grands signes de la main.
Les deux voisines se sont souhaité la bonne nuit et bon courage... à demain matin...
On a attaché la barque devant sa porte, comme un cow-boy son cheval devant le saloon, et on est montés avec toute la fatigue du monde en émoi sur nos épaules.
Elle était si heureuse de nous voir. Nos vêtements essorés allaient sécher dans sa baignoire. Elle a sorti une bouteille de Cognac VSOP... du Prince Hubert de Polignac... que nous avons sifflé à trois en se racontant.
Au bout de nos forces, de la bouteille et de nos confidences, on a fini par s’endormir.
D’un sommeil désagréable, nerveux, écoeuré, presque malade. Mais content quand même.
Pour se faire réveiller au très petit matin par des cris provenant de la maison d’en face, au même étage que nous.
Habillés en vitesse de nos vêtements encore humides, bises à la dame, nous voilà repartis, reposés et ragaillardis cette fois-ci en courant et en escaladant les marches quatre à quatre.
De l’autre côté, le monsieur était étendu sur le plancher, inerte.
- Putain, mais je sais vraiment pas quoi faire ! me glisse Patrick.
Je lui ai fait signe de se taire, histoire de ne pas effrayer la dame du monsieur.
Militaires, on en a tous eus, mais il fallait quand même se rappeler des cours de premiers soins. Alors je me suis mis à faire le massage cardiaque et Pat le bouche à bouche.
Il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire.
La dame nous encourageait. Elle était admirablement calme, presque résignée.
- Ça lui a pris tout d’un coup, comme ça... qu’elle nous racontait. Il était debout, une douleur et il s’est écroulé.
Il n’était pas 07H00 du mat quand Pat et moi avons ramené notre tout premier corps vers le QG. La dame avait préféré rester derrière, chez elle. On l’a plutôt aidée à traverser chez sa voisine d’en face.
Toute la journée du 24 s’est déroulée selon la routine des dernières heures, à trimballer cette maudite chaloupe qui semblait peser dix fois plus avec chaque heure de plus qu’on passait dans cette eau maintenant puante, boueuse, parsemée de flaques de fuel et de détritus qui flottaient, de toits de voiture sur lesquels il nous arrivait parfois de marcher.
Étonnamment, il en restait beaucoup de ces gens qui avaient décidé de rester chez eux.
Des gens qu’il nous fallait vraiment déplacer, transborder, traîner vers le QG. Toujours avec leurs quelques effets d’urgence et leurs animaux domestiques effrayés.
Des gens âgés pour la plupart, des vrais résistants, les plus jeunes ayant très tôt profité de notre aide. Dès les touts débuts, en fait, à cause des enfants, de la peur, les difficultés de survivre sans électricité, ni eau courante, ni chauffage...
Bah, après tout, on les comprenait bien.
Si on avait eu le choix, nous aussi...
Comme vous vous en doutez sûrement, au point où on en est du récit, la relève ne se manifestait pas. Ils avaient même arrêté de nous la promettre.
Au QG, d’autres badauds nous ont ravitaillé. Pat et moi avions décidé de boycotter les casse croûte dégueulasses et secs fournis par les autorités et avions préféré les dons plus généreux et appétissants (et frais) des sinistrés eux-mêmes.
À l’heure du souper (après 19H00 en France), en cette veille de Noël, nous étions encore à arpenter les rues de Saintes, notre chaloupe à la remorque, dans l’eau qui avait par chance commencé à se retirer. Au pire, on en avait maintenant à mi-torse.
Nous sommes repassés sous les fenêtres de notre petite dame de la veille... elles allaient toutes les deux bien. Et jouaient aux cartes.
Pat commençait à sérieusement maugréer, la colère, la rage même, le gagnant peu à peu.
Quand on a à nouveau entendus des cris.
Deux rues à notre gauche (je n’avais plus aucune notion de point cardinal).
Guidés par notre ouïe et les quelques sens que nous avions encore en éveil, nous nous sommes précipités vers la source de cette nouvelle inquiétude...
À un moment, nous avons presque été submergés par une vague violente suivie de plusieurs plus petites.
Mais que venait-il donc d’arriver ?
Au détour d’une rue, on a retrouvé une autre chaloupe.
Une vieille dame assise dedans qui hurlait.
Un marin qui plongeait et refaisait surface sans cesse, en plein état de panique.
Chaque fois qu’il remontait pour respirer il hurlait :
- Fred ! Putain Fred ! Non ! Fred !
Pat et moi avons aussitôt commencé à l’imiter ne sachant même pas de quoi il en retournait vraiment.
Tout ce que j’avais compris sur le coup c’est que Fred, son pote de chaloupe, était coincé sous l’eau. Par quelque maléfice stupide et odieux.
On a plongé et replongé 100 fois sans pouvoir même franchir le seuil de la porte que Didier nous avait indiquée.
Une porte en demi sous-sol. Trois petites marches sous le niveau de la rue.
Bloquée par des tas de débris.
Impossible à ouvrir.
On est remontés à la surface.
Didier était défait.
Il n’arrêtait pas de pleurer, pris de convulsions.
La dame était tombée dans les pommes.
Entre deux sanglots, Didier est parvenu à nous expliquer que Fred était retourné chez la dame, au rez-de-chaussée, pour aller chercher une cage et son canari.
Sous son poids (Fred était un superbe gaillard de presque deux mètres), le plancher a cédé.
Encore une fois, impossible de faire autrement que constater la calamité.
Patrick et moi étions sur le point de perdre tous nos sens quand, devinez quoi ? la relève est enfin arrivée !
Le commandant en chef des forces d’intervention avait passé une bonne heure pour nous expliquer que, bien que tragique et tout et tout, la mort de Fred rentrait malgré tout dans les 7% de pertes auxquels l’armée a droit en toute situation de manœuvres.
Nous sommes finalement arrivés Pat et moi à la base qui nous hébergeait tous.
Il était tard.
Très tard.
Ou très tôt le jour de Noël.
Je ne sais plus trop.
Le réfectoire était presque désert.
Quelques mecs complètement saouls qui dormaient ça et là.
L’immense sapin écroulé, tombé sur le plancher couvert de débris.
La fête avait été mémorable.
Sûrement cette base n’avait-elle même jamais eu autant de convives un soir de Noël.
Patrick et moi nous sommes attablés avec un reste température pièce d’une bouteille d’un vulgaire mousseux, deux verres et chacun une assiette de morceaux de charcuteries, de pain et d’un peu de dinde.
On a trinqué à un Joyeux Noël... et éclaté en sanglots.
Depuis ces quelques jours là, outre une ferveur anti-militariste bien ancrée, un Noël sans neige revêt aussitôt à mes yeux des allures dramatiques de désolation.
December 1982.
My very first Christmas away from my home.
Recently arrived back in France, my native country that I knew only from history and tales I’ve been told, barely enlisted in the French Navy, “la Royale”, I was assigned in the city of Rochefort sur Mer.
We migrated to Québec when I was two years old so this 1982 Christmas is also my very first memory of a Christmas totally without snow.
As well as a Christmas lacking of a lot of other things.
Global warming and climate changes make good press nowadays but believe you me, in 1982, Mother Nature was already pissed off at us. Once again, this coming holly day reminds me of the maneuvers I’ve been part of that year they declared the “state of emergency” and the Security Organization Plan as all law enforcement resources were mobilized.
That year, I made friends in the police, the Army, the Navy, the Naval Aviation, the French Republican Security Company, the Firefighters, the Paramedics…
They needed us all that year in both Charente Departments. A big part of the Atlantic coast was under siege.
Cities like Saintes, Niort, Rochefort, even way over to Angoulême…
I was sent to Saintes, near the coast, one of the hardest hit.
We were housed in an Air Force base nearby.
On December 23, after several days already on the fields, building sidewalks on stilts, strengthening weak menacing structures, the commander of the joined forces (a superior officer of our Navy) promised us we’d be replaced that very same day and they would give us Christmas day off cause we already done some pretty good work and everybody was so proud of us all.
Some of us wanted to be with their families. Some of us even had families of their own with wives and children. I was very happy for my buddies but I had nowhere else to go…
That day, Patrick (a new friend) and I were given a huge rowboat. Our task was to transport victims with whatever they wanted to carry away as urgent property like pets, clothing, anything precious enough to make us risk our lives for. In order to save energy, ease our work and reduce the number of our comings and goings, I decided to yield my seat and pull the boat from the water, immediately imitated by Patrick. Sometimes, we had water up to the shoulders and others, we got out of our depth and had to swim all together, hanging to the ropes.
The water rose for more then six meters that year.
Afterwards, they referred to it as the “flood of the century”.
Patrick was my commanding officer and I was the second in command. We did anything to have fun, to joke, even to clown around to ease everyone’s pain, especially those poor innocent people many of whom have lost everything. After all, it was Christmas for them too. Might as well make the best out of the worse.
Patrick was from the Naval Aviation, just one rank over me and a bit older too.
And much funnier. A true duo. Jerry Lewis and Dean Martin. Laurel and Hardy. Abbott and Costello.
We sang, laughed, made people smile, even laugh for some.
An old lady who refused to leave her home, way up there on the fourth floor, signaled her presence and we promised we’d stop by later on.
They’ve set up our headquarters at the crossroads of a bridge and a street that climbed a steep slope that fortunately stopped the River. There, everyone was stationed in some sort of improvised bivouac with tents and trucks, ambulances, speedboat engines (that we couldn’t possibly use because of waves and underwater obstacles), buses for transporting the rescued to the shelters and tens of bystanders and other roaming people, some of which just curious, some admiring, all of them grateful.
Each time we came ashore, there was always someone who ran towards us to discretely slip under our coats on in our pockets cartons of cigarettes, sandwiches, packs of cold cuts, snacks, juices, even alcohol bottles…
And we left to go back and look for other victims, other people to help, maybe save one or two…
My commanding friend didn’t even got mad at me anymore cause I refused to come aboard the empty boat and would rather wade in the water pulling.
I was soaking wet and it was definitely less cold into the water then out of it.
We were going to be replaced anyway before fall of the night… and maybe even sent back home… or so we thought.
Things were actually quite different.
After nightfall, at the edge of December 24, my buddy and I were both in the water, pulling and telling each other we were bound for one hell of a ride when a Petty Officer with two rowers came to warn us there would not be any relieve before the next afternoon and that we needed to ensure a round the clock presence to be attend to any emergencies and prevent looting.
- Hang tough guys! he yelled as in an American movie.
Patrick and I started singing again but this time, dirty adult songs.
Might as well have fun.
Then, Patrick remembered the nice old lady we promised to drop by again.
Our boat was empty.
Certainly off for the rest of the night.
Just like a break.
We were so soaking wet and cold.
And it was getting really late.
She was chatting with her across the street, same story neighbor, herself making a stand to hold her grounds until all this was to be over, her husband reluctantly complying.
They heard our dirty old refrains coming and had a good laugh. Our Lady friend was leaning on the window frame as if she was about to spend eternity there and waved at us, telling us to come up.
They both wished each other good night and lots of courage… “and see you in the morning” as Patrick and I tied our boat to the porch banister like a cowboy would have his horse and made it up the stairs bearing the world’s misery and suffering on our shoulders. Our Lady was so happy to see us. Our clothes wrung dried laid in the bathtub, she took out a bottle of Prince Hubert de Polignac VSOP Cognac and we started trying to relax for the night.
At the end of our strengths, of the bottle and its sweet nectar and of our confidences, we finally fell asleep of an unpleasant, uncomfortable nervous, disgusted almost sickened slumber, still and all relieved and somewhat happy.
To finally be waken up in the wee hours of the morning, even before the sun, by screams coming from across the street.
Dressed in a hurry in our still wet clothes, kisses and goodbyes to our Lady, there we went again, all rested and cheered up this time running downstairs to jump in our boat, cross the watery street and climb those stairs still running, four steps at a time.
There, the lady’s husband was laying flat on the floor, inert.
- But man, I don’t remember what to do!” most discretely said Patrick.
I gently signed him to shut up and started the CPR maneuvers we all learn when enlisting and did the technical part (chest compressions) as Patrick started the mouth to mouth.
There was not much else to do.
The woman kept encouraging us, incredibly calm and resigned.
- It happen all of a sudden, just like that” she was telling us. “He was standing then grabbed his chest then collapsed on the floor. Just like that…”
It was not even 7:00AM when Patrick and I reached the headquarters with our first lifeless body. The wife decided to stay behind so we took her to her neighbor’s.
All that 24th of December went as routinely as possible under the circumstances as we kept pulling our bloody boat that seemed to be ten times heavier with each extra hour we spent in this now filthy, dirty, stinky water scattered with floating diesel fuel puddles and the car rooftops that we occasionally stumbled upon.
There were surprisingly many people who decided to wait this out and stay home.
People that we eventually had to move out and carry along with their belongings and scared pets to our checkpoint.
More resilient elders for the greater part, the youngest ones having very early on taken advantage of our assistance. From the very beginning, in fact, because of children, of fear, of difficulties surviving without electricity, tap water or heating...
After all, we understood them…
I guess if we had been in the same predicament…
As you must have guessed by now, at this point of my story, the relief team was nowhere in sight… they even stopped promising it.
At our HQ, more bystanders refueled us. Pat and I decided to boycott the unspeakable dry lunches served by the military to rather feast on those fresher and more generous brought by them.
At supper time, after 7:00 PM in France, on that Christmas Eve, we were both still roaming the streets of Saintes, pulling the boat, walking in this fortunately now receding water. In the worst, we had it now up to the chest.
We passed again under the windows of both our Lady friends… they were both good… cold but good and still wanted to sit it out playing cards and drinking wine.
Pat was seriously beginning to grumble, the anger and fury gradually winning him over when we suddenly heard more screams and yelling.
Two street to our left (at that point, I had no cardinal point capabilities whatsoever).
Led by our hearing and the few senses we still had on alert, we rushed towards the source of this new commotion.
At one point, as to add to the tension, we were almost submerged by a violent wave followed of several smaller.
What in the hell just happened?
We turned a street corner and met with another rowboat.
In it, a woman freaking out.
One of ours, a sailor, kept diving and coming back up for grasps of air just to dive in again. Each time he surfaced, he screamed :
- Fred! No please, Fred! Fred!
Pat and I immediately began to do exactly the same not even knowing what all the ruckus was actually about.
All we understood was that, in some wicked devil’s way, his fellow boater got trapped under water.
We dove and dove back a hundred times if not any without even being able to move that damn door Didier pointed at.
It was like a split level half basement apartment door. Just three little steps down.
Blocked from the inside by tons of debris.
Virtually impossible to open.
Didier broke down.
He couldn’t stop crying and shaking.
The lady passenger finally fainted.
Still sobbing, Didier was able to explain that Fred returned inside the first floor lady’s home to fetch a cage and her canary.
Under his weight though (Fred was a superb big strapping guy), the floor gave way.
This time, there was absolutely nothing anyone could have done.
We were about to completely lose it when guess what? replacements finally arrived!
Our chief commanding officer spent more then an hour trying to explain that though sad and tragic and all, Fred’s death nevertheless came within the authorized 7% losses the army has in any maneuver situation.
Pat and I finally made it to the Air Force cafeteria.
It was so late.
Or so very early Christmas morning.
I can’t remember.
The place was a real mess and deserted,
Just a few drunken guys sleeping here and there.
The huge Christmas tree fallen on the floor covered with broken glass and junk.
All the evidence of a memorable party.
This base certainly even never had that many guests or that huge a party on any other Christmas Eve.
My friend and I sat at a table with a half bottle of room temperature cheap bubbly, two glasses and each a plate of leftovers… cold cuts, bread and some turkey.
We drank to a Merry Christmas and then, just then, both started to cry.
Since those few days I spent there, under those circumstances, besides a well anchored antimilitarist fervour, a Christmas without snow immediately take shape and form of drama and sadness.