mardi 29 septembre 2009

Ce matin-là - That morning

Ce matin-là, je me suis réveillé une bonne demi-heure avant que ne retentisse la sonnerie de mon radio-réveil placé à quelques pas de mon lit. C’est un vieux truc que j’ai piqué dans un roman de John le Carré qui ne laisse pas l’alternative de l’éteindre et de se rendormir, ce deuxième sommeil étant plus profond, plus intense et aussi plus risqué.
Surtout que cette journée ne pouvait subir aucuns retards.
Je devais me rendre à l’aéroport pour rencontrer un dénommé Colby, chargé de projet dans une jeune firme états-unienne oeuvrant dans le milieu du cinéma.
À mon insu, mon copain avait gravé un de mes scénarii sur disque et leur avait envoyé. Une histoire fantastique légère, un peu humoristique.
On l’avait retenu et je devais discuter avec ce Colby des termes d’une éventuelle entente. Ma toute première rencontre de pré-production.
Nul besoin de dire que j’étais nerveux.
D’accord, la firme, tout comme son émissaire, était jeune, mais pouvait quand même se vanter de quelques réalisations conduites jusqu’au Festival de Films de Sundance.
Un stress stimulant, certes, mais quand même…
Durant ces semaines de tractations, j’ai eu beau tout faire, tout tenter, Olivier, mon copain, s’était montré bien plus excité, bien plus anxieux, bien plus chiant que moi.
Par chance que le bougre savait se faire pardonner. Comme ce matin-là. À peine mes sens en éveil, je me suis senti agréablement happé par l’odeur du café frais.
Il s’était réveillé en premier, ne se doutant pas que j’allais devancer le tintamarre électronique.
Du haut de mon promontoire -la chambre étant construite comme une mezzanine à demi masquée par le placard d’entrée- je l’ai aperçu. Il était attablé, dans la salle à manger, et m’a renvoyé un regard souriant et nerveux. Comme s’il se sentait coupable de m’avoir tiré de mon sommeil avant l’heure.
Je me suis levé, ai descendu les trois marches, me suis avancé vers lui feignant une humeur incertaine, me suis rendu jusqu’à lui, ai posé une main sur son épaule… pour m’agenouiller et l’embrasser tendrement.
J’étais heureux. Je voulais qu’il le sache. Aussi, j’étais fier de lui. De nous. De la confiance qu’il avait en moi. De tout ça. Même de Colby et de sa jeune compagnie de productions. J’étais même fier de l’appellation « International » de notre petit aéroport.
J’étais fier. Cette journée là, rien n’allait se montrer à mon épreuve.
J’étais persuadé que tout ce que j’allais projeter, tout ce que j’allais entreprendre, tout ce que j’allais entamer allait s’avérer faisable et accessible.
Et sous ses airs d’enfant pris la main dans le sac, Olivier se montrait plus séduisant que jamais. À cet instant précis, je l’aimais plus que je ne l’ai ressenti depuis notre rencontre.
Le monde n’allait plus pouvoir nous résister.
J’ai lâché mon étreinte, il s’est levé, m’a versé un café, est revenu s’asseoir et en silence, presque cérémonieux, nous l’avons dégusté en duo comme s’il représentait le premier du reste de notre vie, le prélude à une vie extraordinaire faite de réussites, de moments tout aussi géniaux que celui que nous étions en train de vivre.
Mais il fallait justement la commencer cette journée. Je me suis levé pour me diriger vers la salle de bains quand la sonnerie de mon réveil matin, que j’avais oublié d’éteindre, s’est mise à hurler sa sérénade électronique.
Je me souviens avoir regardé Olivier.
Comme si je le suppliais de ne pas appuyer sur le bouton, de me retenir, de m’empêcher de remonter dans la chambre...
J’ai fini par tuer cette horrible cacophonie...
...et me suis réveillé sur mon lit, dans mon loft vide et dénué du parfum de café frais.


An old trick I stole from a John le Carré novel was to place the alarm clock a few feet from the bed so that leaves not the alternative to hit the snooze button and go back to sleep, this second sleep being deeper, more intense and also more risky. Yet, it made no difference that morning because I woke up a good half hour before it resounded.
Thankfully since that day could not suffer any delays.
I had to go to the airport to meet a man named Colby, project manager in a young American firm involved in the film industry.
Without my knowing it, my boyfriend burned one of my screenplays on a disk and sent it. A light yet a bit humoristic science-fiction story.
They retained it and I was supposed to discuss the terms of an eventual agreement with this Colby guy. My very first pre-production meeting.
Needless to say I was nervous.
Admittedly, the firm, as its emissary, was young but could still boast about some achievements that led to the Sundance Film Festival.
A stimulating stress, of course, but all the same...
During those weeks of negotiations, despite all my efforts, all my attempts, my boyfriend Olivier had shown much more excitement, more anxiety, more of a pain than myself.
Luckily the chap knew how to be forgiven. Like that morning. As soon as my senses awakened, I felt pleasantly caught by the smell of fresh coffee.
He woke up before me, not suspecting I would forestall the electronic ruckus.
From my promontory (my bedroom being constructed as a mezzanine half hidden by the entrance closet) I saw him. He was sitting in the dining room and sent me back a nervous glance and a grin as if he was embarrassed to have wakened me up before it was time.
I got up, descended the three steps, walked towards him feigning an uncertain mood, went up to him and put a hand on his shoulder... to finally kneel and gently kiss him.
I was so happy. I wanted him to know it. Also, I was proud of him. Of us. Of the trust he put in me. Of all this. Even of Colby and his youthful production company.
I was even proud of the designation "International" to our little airport.
I was self-righteous. That day, I was unfailing.
I was convinced that everything I would plan, everything I would undertake, everything I would start would be feasible and accessible.
And looking like a child caught with his hand in the bag, Olivier was more attractive than ever. At this very moment, I loved him more than I've felt since we met.
The world would no longer be able to resist us.
I let go of my gentle grip, he got up, poured me a cup, came back, sat and in silence, almost ceremonial, we drank as if this coffee represented the first of the rest of our life, the prelude to a road made of extraordinary successes, of moments just as brilliant as this one.
Except that it was time to start that day. So I got up to head towards the bathroom when the alarm clock that I had forgotten to turn off started screaming its electronic serenade.
I remember looking at Olivier.
As if I begged him not to press the button, to just hold me, to keep me from climbing back in the bedroom...
I finally killed that horrible cacophony…
…and woke up on my bed in my empty loft devoid of the perfume of fresh coffee.

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