mardi 20 octobre 2009

J'ai oublié... - I forgot...



J'ai su. En ces temps où je vivais, j'ai su.

J'ai oublié. Abruti. Abasourdi par le matérialisme de tâches banales, terre à terre. La routine.

Avant, je vous aurais demandé, tout simplement, de tamiser l'éclairage, de vous concentrer sur le son de ma voix, de fermer les yeux et de me suivre. Nous aurions traversé le majestueux Pont Pierre Laporte et pris une direction. N'importe laquelle. Une direction que vous seuls auriez pu choisir. Et nous aurions roulé. Et roulé. De chaque côté, les vastes champs qui bordent les abords de la Vieille Capitale. De chaque côté, de la verdure, des rivières.

Nous aurions roulé. Comme ça. Sans véritable but. Sans destination. Juste pour rouler.

La radio aurait bercé d'une nuée de ballades réconfortantes.

Le ciel, que nous aurions pu observer par le trou du toit ouvert, se serait montré dénué d'imperfection. D'un bleu si bleu qu'il aurait eu l'air d'une mer. À l'envers.

Comme si nous étions en avion. À l'envers.

Et nous aurions roulé.

Jusqu'à une bretelle de desserte où nous aurions quitté l'autoroute pour aboutir sur une route moins fréquentée. Une route à deux seules voies uniques qui se croisent. Une vers le Sud, une vers le Nord. Une route étroite séparée par une timide ligne de pointillés blancs, usés, à demi invisibles.

Et nous aurions roulé.

De part et d'autre de ce long fil torsadé et boudé des autres, des champs, des bosquets d'arbres, d'arbustes, d'autres arbres. Puis des champs. Puis un poteau, une vache, un poteau, une vache... des collines, d'autres champs. D'autres bosquets d'arbres et d'arbustes.

Et nous aurions roulé.

Jusqu'à atteindre une première agglomération timidement citadine. Que nous aurions traversée à vitesse réduite, sans même nous arrêter. Juste passer devant l'église, la Caisse Populaire, une bannière MacDonald's et poursuivre, sans un regard en arrière.

Et nous aurions roulé.

Pour atteindre d'autres plateaux de champs et de bosquets d'arbres et d'arbustes.

Et je vous aurais conduits ainsi jusqu'à une maisonnette, plantée depuis des années sur le bord de la route, là, à notre gauche.

Elle est belle, toute mignonnette, en bardeaux de cèdre blancs et tuiles bleues. Belle à croquer. Dans les volets, à chaque fenêtre, on avait percé des petits sapins, comme ceux dessinés par un écolier à Noël sur une carte pour ses parents. Deux volets par fenêtre, quatre fenêtres sur la façade, deux sur le côté Nord, deux autres au Sud. Autour de la maison, une enfilade d'arceaux de métal, vous savez, comme ceux qu'on utilise pour jouer au croquet. Ils sont peints du même bleu que les tuiles du toit et disposés comme une clôture, faible rempart séparant le communautaire du privé. Devant la maisonnette, un gros arbre. Fort. Bien planté. Un hêtre. Non... Un énorme chêne, vestige d'une autre époque. À sa plus basse branche, aussi forte qu'un bouleau nain vieux de trente ans, une corde nouée. Au bout de cette corde, un jouet anachronique d'enfant désoeuvré, un pneu usé, presque percé par endroits. Épars sur une pelouse bien entretenue, bien verte, bien grasse, des pierres blanches, peintes à la main. De la route à la porte d'entrée, un chemin de pierres de champs taillées.

Loin derrière l'habitation, bien cachée, pour taire la vocation des habitants des lieux, une grange, peinte de semblable mode. Des mêmes tuiles bleues et bardeaux blancs. À gauche du bâtiment retapé, deux ou trois carcasses de voitures posées sur des blocs de ciment. Un tracteur à l'abandon. Un petit carré bien délimité de maïs bien haut, paré à la cueillette.

Un couple de mouton et brebis tenus à un poteau.

Et un homme. Un homme qui marche vers nous, le dos légèrement courbé, les jambes lourdes, le chapeau bas, sur les yeux. Un chapeau de paille. Il porte une salopette et de grosses bottes de caoutchouc noir bordé de rouge foncé.

Il marche sur l'allée de terre battue qui longe la maison, au sud, de la grange à la route. Il marche comme s'il nous avait entendus arriver et qu'il venait à notre rencontre...


Avant, j'aurais pu vous le présenter.

Oui. Avant, j'aurais pu vous faire connaître cet homme. Le vieux Marcel. Et sa femme. la bonne Marie. Leurs enfants aussi. Les jumelles Nathalie et Suzette, les fils Pierre et Joseph, Luc, Stéphane, le cadet, et la toute dernière, Daphnée.

Même le gros Saint-Bernard Bobo, avec son tonnelet de vrai rhum autour du cou.

Avant, j'aurais pu vous conduire chez eux, dans la cuisine où tout se passait.

Avant, je vous aurais fait pénétrer dans leurs existences de simplicité, de fierté et de dur labeur à peine récompensé...

Mais je ne sais plus écrire...

J'ai oublié...

Vous m'en voyez navré, mais vous devrez vous contenter de les imaginer...

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There was a time when I knew.

It was a time when I was living.

But I forgot. Worn out with the materialism of basic tasks, day to day exhaustion. Routine.

Some time ago, I would have asked you, quite simply, to dim the lights, focus on the sound of my voice, close your eyes and follow me. We would have crossed the majestic Pierre Laporte Bridge and took a direction, any direction that only you could have chosen. And we would have driven. And driven. On each side, the vast fields that line the outskirts of the City. On each side, greenery and rivers.

We would have driven. Just like that. Without any purpose or destination. Only to wander.

The radio would have rocked us with soothing ballads.

The sky seen through the opened sunroof would have been devoid of imperfection. Of a blue so blue it would have looked like a sea upside down.

As if we were flying upside down over the Mediterranean sea.

And we would have driven.

Until an access ramp where we would have left the highway to reach a road less traveled. A two way street. One southward, one to the north. A narrow road separated by a pale white dotted line, worn out, almost invisible.

And we would have driven.

On each side of this long twisted wired road ignored by others, there would have been fields, groves of trees, shrubs, other trees. Then fields again. Then a pole, a cow, a pole, a cow. Then hills and even more fields. More groves of trees and shrubs.

And we would have driven.

To reach a timidly urban agglomeration that we would have gone through at reduced speed without stopping. Just passing by the church, the local bank, a McDonald's and continue without looking back.

And we would have driven.

To reach other plateaus of fields and groves of trees and shrubs.

And I would have led you up to a house planted there for many years on the edge of the road, to our left.

It is beautiful, all so sweet in its white cedar shingles and blue tiles. The shutters have been pierced with small firs, such as those drawn by a child on a Christmas card to his parents. Two shutters per window, four windows on the front, two on the north side then two on the south. Around the house, a row of arches of metal, you know, like those used to play croquet. They are painted of the same blue as the roof tiles and arranged like a fence, very frail wall separating the private from the community. In front of the house, an enormous tree. Strong. A beech. No... a huge oak tree, a relic from another era. Tied at its lowest branch, as strong as a thirty years old birch, a rope. At the end of the rope as an anachronistic toy for a bored kid, a worn out tire. Scattered over the perfectly well kept green healthy lawn, hand painted white stones. From the road to the entrance, a path of cut fieldstones.

Far behind the house, as to hide the occupations of the inhabitants, a barn, painted in similar fashion. The same blue tiles and white shingles. To the left of the restored building, two or three car wrecks resting on cement blocks. An abandoned tractor. A very defined square of grown corn, almost ready to harvest.

A couple of sheep tied to a pole.

And a man. A man walking towards us, his back slightly bent, his legs heavy, his hat low over his eyes. A straw hat. He wears overalls and big black rubber boots lined with dark red. He walks on the dirt path that runs alongside the house from the barn to the road. He walks as if he heard us and is coming to meet us...

Previously, I could have introduced you.

Yes. There was a time when I could have let you know this man. The old Marcel. And his wife, the good Mary. Their children too. The twins Natalie and Suzette, the sons Peter and Joseph, Luke, Stephen, the youngest, and Daphnée, the last born.

Even the big St. Bernard Bobo, with his real barrel of rum around his neck.

There was a time when I could have led you to their kitchen where everything happened. The center of their family life.

There was a time when I could have taken you right into their simple lives of pride and hard work barely rewarded...

But that time has passed.

I cannot write anymore...

I forgot how...

It breaks my heart but you will have to imagine them and picture their whole existence.

1 commentaire:

Antoine a dit…

Il me semble que c'est tres bien representer ont voit vraiment de quoi tu veut nous parler ont peut aller jusqu'a nous l'imaginer asser bien comme si c'étais un de nos propre souvevir ... et j'imagie asser bien que c'est un endroit plutot bien